Retour sur la Journée Annuelle des Techniciens du Vivant 2023

Près de 80 techniciens agricoles, animateurs, responsables agronomiques, conseillers techniques et intervenants ont été réunis à La ferme de Gally de Saint-Denis le jeudi 7 décembre 2023, dans le cadre de la troisième édition de la Journée Annuelle des Techniciens du Vivant

L’occasion pour chacun des participants de se retrouver dans un cadre convivial et participatif pour partager ses expériences de terrain et ses enjeux au service de l’accompagnement des agriculteurs vers la transition agroécologique.

Consolider les outils de la transition

Pour introduire cette journée, un rapide tour d’horizon des actualités du mouvement a été proposé… Une année 2023 qui a permis de consolider les outils au service de la transition avec : 

  • Le développement de l’Indice de Régénération bovin pour intégrer les enjeux liés à la reconnection entre animal et végétal, notamment via l’alimentation du troupeau (autonomie, santé) ;
  • L’évolution de l’Indice de Régénération grandes cultures avec la prise en compte des retours utilisateurs, et ainsi tendre vers un Indice de Régénération simplifié et rapide, utilisable par les filières à grande échelle et un Indice de Régénération complet pour le conseil agronomique ;

La préparation des évolutions de la plateforme agroecologie.org pour 2024, notamment pour exporter et partager des résultats ou encore faire le lien avec l’outil REX agri.

Table ronde Projet Cultures d’Industrie sur Sols Vivants

A l’occasion de cette journée, Juliet Carceles, Cheffe de projets grandes cultures et cultures d’industrie, propose un retour sur le projet Cultures d’Industrie sur Sols Vivants en présence de Quentin Tilloy, adjoint responsable du département Agronomie – Cristal Union, Nicolas VADEZ, agriculteur pionnier en agroécologie et Vincent Forestier, responsable R&D – Brioche Pasquier

Mené avec 23 partenaires de l’amont à l’aval des filières pomme de terre et betterave sucrière ainsi que 75 agriculteurs engagés dans le projet dans le tiers Nord de la France (Hauts de France, Normandie, Loiret, Champagne et Aube) ce projet a pour objectif de créer l’ensemble des conditions techniques, économiques et de coopération entre les acteurs, pour le lancement, le déploiement et la pérennisation des filières agroécologiques de la pomme de terre et de la betterave.

Dans le cadre de ce projet collectif, le rôle des parties prenantes était complémentaire : 

  • Les agriculteurs, ont mis en place des tests de pratiques agroécologiques et partagé leurs résultats ;
  • Les acteurs filières ont pu se reconnecter au terrain et comprendre les enjeux de la transition de ces cultures très techniques et ont participé financièrement au développement des filières agroécologiques ;
  • Les acteurs de la collecte ont apporté des données pour comprendre les impacts technico-économiques de la transition et faire le lien avec les acteurs de l’aval pour apporter une valorisation aux agriculteurs. 

CISV a ainsi permis d’expérimenter des pratiques agroécologiques, avec la prise en compte de la multiplicité des axes de travail et de créer un réseau de partage entre les différentes parties prenantes. De ces synergies en ont découlé une meilleure compréhension des enjeux de l’agroécologie et la co-construction de contrats soutenant la progression avec une rémunération incitative pour les agriculteurs. Par ailleurs, le projet a mis en évidence que la transition s’appréhende à l’échelle du système de production et non de la culture, avec une prise en charge des coûts nécessairement partagée, à la fois entre les acheteurs de la rotation mais, plus largement, par toutes les parties prenantes privées comme publiques. 

Et pour la suite ? Une première dynamique publique-privée avec l’Agence de l’Eau Artois Picardie a vu le jour afin de travailler à la mise en place d’un Paiement Pour Services Environnementaux. Basé sur les indicateurs de l’Indice de Régénération, il permettra un financement complémentaire aux agriculteurs en fonction de leurs résultats agro-environnementaux. Rendez-vous en 2024 pour les Défis de l’agroécologie Hauts-de-France !

Des ateliers instructifs et constructifs

Placée sous le signe de la participation collective, la journée est rythmée par des ateliers au cours desquels chaque technicien a pu intervenir, tester et partager ses points de vue autant que ses enjeux. Intégrés au cœur du Programme Techniciens du Vivant, ces ateliers leur ont permis de disposer de nouvelles clés d’accompagnement pour faciliter leur travail au quotidien. 

Stockage de carbone : résultats de l’étude de l’HEPIA/Agrotransfert

Pascal Boivin, professeur à Hepia (Genève) a présenté les résultats d’une étude menée en 2023 en partenariat avec Agro-transfert et qui a comparé les prédictions d’évolution du stockage de carbone issues du modèle Simeos-AMG avec des historiques d’analyses de sol.

Simeos AMG est un modèle de bilan humique qui permet d’estimer des évolutions du stock de carbone dans les sols agricoles. Calibré sur la base de 20 essais en stations expérimentales en France et 4 en Europe, il n’avait jusqu’à cette étude jamais été confronté à grande échelle à des données sol issues de vraies fermes. L’étude menée par Hepia et Agrotransfert confirme que le modèle est capable de saisir une large gamme de stockage/déstockage de carbone (de -50 à +50‰ par an). Mais elle met également en évidence une surestimation du stockage de carbone dans les systèmes avec une forte intensité de travail du sol, qui va être étudiée plus en détail dans les prochains mois.

Les échanges avec les techniciens se sont concentrés sur les questions de méthodologie de comparaison entre les résultats de Simeos AMG et les mesures terrain (sur combien de parcelles s’est faite l’étude, comment ont été prélevés les échantillons…), les zones de validité, l’interprétation des résultats et, enfin, le potentiel de développement de modèles d’estimation plus fiables.

"L'effet carbone, c'est grâce aux plantes vivantes : aux racines bien vivantes dans le sol. Non seulement il faut laisser les chaumes, mais il faut aussi semer un couvert dedans !" Pascal Boivin

Techniciens : soyez acteurs de votre formation

Accompagner les techniciens et les outiller pour la transition agroécologique sous-entend d’être à l’écoute de leurs besoins et notamment en termes de formation. De l’amélioration de la formation initiale, à leurs propositions de formations continues en passant par l’état des lieux des formations existantes et, notamment, du parcours Techniciens du Vivant, cet atelier a fait le tour de la question avec les principaux intéressés… les Techniciens !

L’atelier a permis de partager l’importance, d’une part, de la formation sur la posture du technicien, de l’intérêt des techniques d’animation pour convaincre les agriculteurs et, d’autre part, de la nécessité d’avoir un programme de formation varié (terrain, salle, cas pratiques, digital) sur des formats réguliers mais courts. Pouvoir évaluer le coût et/ou le bénéfice d’une technique est essentiel pour aider à l’embarquement des agriculteurs par les techniciens.

“ll faut s’adapter aux personnalités des agriculteurs car c’est comme ça qu’on fait passer les messages”.

Découvrir l’Indice de Régénération Bovin

Cette année, l’association a créé l’Indice de Régénération Bovin, un outil pour accompagner la transition de l’élevage vers un modèle résilient, agroécologique et durable ! Lors de cet atelier, Louise Mancel, Coordinatrice technique élevage, accompagnée de Pierre Rubin, conseiller fourrage LVH, a proposé aux participants d’étudier, au cas par cas, les différents indicateurs de l’outil à partir d’un IR BOVIN réalisé sur l’élevage laitier de La Vache Heureuse

De la présentation des indicateurs à leur illustration terrain en passant par de nombreux échanges, l’atelier a ainsi permis aux techniciens de visualiser concrètement un système d’élevage laitier agroécologique et d’en comprendre les enjeux techniques pour mieux s’approprier ce nouvel outil et ses applicatifs terrain.

Tout juste disponible, l’IR Bovin doit être déployé pour collecter de plus en plus d’informations et ainsi permettre de contextualiser les résultats et d’affiner les trajectoires de progrès de chaque agriculteur en fonction de son score. 

De nombreux échanges ont eu lieu avec les techniciens présents sur les indicateurs de l’IR cultures et prairies et leurs liens avec ceux de l’IR Bovin, ainsi que sur les perspectives pour l’outil notamment pour faciliter la saisie des données dans l’IR.

“Dans une ferme agroécologique, le premier objectif c’est l’intensification du végétal par la fertilité des sols pour répondre à tous les enjeux de la ferme “ La Vache Heureuse

Le Speedconsulting pour animer un collectif

Cette année, Muriel Astier, Responsable formation de l’Association Trame, a mené un atelier speedconsulting qui croise les expériences des membres d’un groupe afin d’identifier des pistes de solutions. Un outil essentiel pour animer un collectif !

Partager ses expériences, se confronter aux problématiques des autres, améliorer ses pratiques professionnelles, apprendre à être plus efficace ou encore prendre du recul sur sa propre situation sont autant de facettes de cet atelier collaboratif. Grâce à lui, les techniciens seront en mesure de libérer la parole des agriculteurs et de mesurer leurs problématiques et leurs enjeux face à un changement de pratiques. 

Pour les techniciens, c’est un outil pragmatique pour animer un groupe d’agriculteurs en sollicitant l’imagination et l’intelligence collective ! 

Dans le cadre d’un jeu de rôle, chaque participant est tour à tour “client” ou “consultant”. Chaque “client” sélectionne une question qu’il souhaite poser aux autres, qui joueront le rôle de “consultants”. Par exemple: “Comment s’assurer que les apprentissages d’une formation seront mis en pratique par les agriculteurs ?”. Tour à tour, le client a une minute pour formuler sa question, puis le consultant a trois minutes pour proposer des réponses, et enfin le client prend une minute pour noter ce qu’il retient. Après avoir recueilli les réponses de plusieurs consultants, le client devient à son tour consultant pour réagir sur les problématiques des autres.

“Chacun a eu une lecture différente de ma problématique et donc des propositions de solutions différentes que je n’aurais pas envisagé seul”

Réhydrater les territoires & régénérer le(s) cycle(s) de l’eau… Une solution aux évolutions climatiques ?

“C’est dans un désert américain que je réalisais soudain que la pluie ne tombe pas des cieux. Elle provient du sol.” Masanobu Fukuoka

Par Simon Ricard, co-gérant de Permalab et co-fondateur de Pour une hydrologie régénérative

En 2022, nous avons franchi la sixième limite planétaire : celle de l’eau verte, issue de l’évapotranspiration des végétaux. Nos territoires et leurs paysages ont subi de nombreuses transformations ces dernières décennies et dont les impacts sont nombreux pour la gestion de l’eau. Les drainages souterrains impactent les capacités de rétention d’eau de nos sols, l’arrachage des haies ont fait disparaître les corridors de biodiversité, les assèchements des mares et des zones humides ont diminué la résistance hydrique de nos territoires. 

Et parallèlement, les dérèglements climatiques causés par ces modifications telles que les sécheresses et les inondations accentuent la dévégétalisation de nos paysages et une incapacité grandissante à retenir l’eau. Nous devons donc agir pour sortir de cette spirale.

Dans ce contexte, les territoires se doivent d’anticiper leur souffrance hydrique pour préserver cette ressource. Mais Comment ? 

Il est question d’agir pour ralentir, répartir, infiltrer et stocker toute l’eau des précipitations, à l’échelle de la parcelle, du site et du bassin versant. Et pour ce faire, il est nécessaire de sortir de la vision en silo en cumulant, simultanément, des aménagements concernant :

  • L’eau avec des aménagements paysager et agricole pour un effet immédiat mais qui n’augmente pas la capacité de stockage du sol ;
  • Les sols, avec des couverts végétaux pour réduire le ruissellement et augmenter l’infiltration rapidement ; l’effet hydrologique sera alors crescendo selon le développement de la structure du sol jusqu’à atteindre un seuil maximal.
  • Les arbres, avec la plantation de haies ou d’arbres isolés pour un effet hydrologique sur le long terme sans effet seuil, par le biais notamment de l’évapotranspiration et de la condensation.

Parallèlement, il est nécessaire de cultiver l’eau verte en déployant à grande échelle les pratiques de l’agriculture de régénération, de conservation des sols, d’agroforesterie, de gestion forestière raisonnée ou encore par l’accroissement des pâturages dynamiques. C’est ainsi que l’évapotranspiration pourra influer sur les micro cycles de l’eau en créant des nuages bas qui, naturellement, refroidissent l’atmosphère. Réorganiser les parcelles en travaillant les rangs perpendiculairement à la pente (keyline design) est un défis qui pourrait également être propice à l’agriculture de demain car cela permet une meilleure infiltration, un meilleur stockage, une répartition des eaux de ruissellement plus équilibrée et l’évacuation des excédents.

Au regard de ses nombreux bénéfices, la gestion des cycles de l’eau doit être opérée à partir d’une vision systémique eau-sol-arbre et être intégrée dans des plans territoriaux de régénération si l’on souhaite, à termes, obtenir des effets environnementaux et climatiques bénéfiques. 

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