Une transition vers l’agroécologie par conviction
Jean-Noël est éleveur laitier en Mayenne. Agriculteur en conventionnel pendant 15 ans, il a fait le choix en 2018 de convertir son exploitation en bio et d’adopter un modèle agroécologique. Son exploitation de 100 hectares est aujourd’hui quasiment autonome, avec une alimentation basée sur des prairies naturelles et un séchage en grange. Son engagement fort en faveur de pratiques plus durables témoigne de son attachement à une agriculture respectueuse de l’environnement, des animaux et de l’humain.
Pourquoi avoir choisi l'agroécologie ?
« J’ai eu une prise de conscience progressive, notamment après les différentes crises laitières et la libéralisation des marchés. J’ai aussi été très sensibilisé par les rapports scientifiques sur le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution de l’eau.
Auparavant, j’étais en conventionnel, avec un système classique : des cultures de maïs et de céréales, et de l’élevage laitier. Mais je ne m’y retrouvais plus. J’ai vu mes voisins s’agrandir, intensifier leur production, dépendre toujours plus des intrants et des marchés volatils. Moi, je voulais garder une exploitation à taille humaine et surtout travailler en accord avec mes convictions, mes valeurs.
La conversion en bio, en 2018, a été un tournant. Nous avons installé un séchoir naturel dans notre grange, ce qui nous permet de conserver un foin de qualité toute l’année, de nourrir nos vaches autrement et d’améliorer leur santé. Mon challenge était de prouver qu’on pouvait avoir un système économe, autonome et maintenir notre productivité tout en ayant un impact positif sur l’environnement, la qualité de l’eau, la santé et notre qualité de vie. »
Pensez-vous que vos pratiques améliorent l’image de l’agriculture française ? Pourquoi ?
« Oui, clairement ! Avec mon modèle, je pense être en phase avec les attentes sociétales. Je n’ai aucun mal à ouvrir mes portes et à expliquer ce que je fais. Nos pratiques sont vertueuses pour l’environnement, et nous garantissons une alimentation saine pour nos consommateurs.
Je pense que ce qui renforce vraiment l’image positive de l’agriculture, c’est de montrer qu’il existe des alternatives viables. Nous ne sommes pas dans la contestation, mais dans la démonstration : oui, on peut produire autrement, oui, on peut être rentable, et oui, on peut être fier de ce que l’on fait.
Ce qui me peine le plus aujourd’hui, c’est le manque d’engagement des pouvoirs publics et des décideurs politiques. Toutes les études et les experts nous donnent raison, pourtant, malgré ces preuves et l’urgence climatique, les choses n’évoluent pas assez vite. Nous démontrons chaque jour que des solutions existent, mais elles peinent à être reconnues et soutenues à la hauteur des enjeux. Et pendant ce temps, le climat se dérègle, la biodiversité s’effondre et la qualité de l’eau se dégrade. C’est cette inertie qui est la plus difficile à accepter. »
Agroécologie et qualité de vie : un équilibre retrouvé
Vos pratiques améliorent-elles votre équilibre entre travail et qualité de vie ?
« Quand on est agriculteur, le temps de travail est une question essentielle. Avant, en conventionnel, j’avais une charge de travail plus stressante : l’ensilage, la gestion des cultures avec des intrants, les risques climatiques, la dépendance aux marchés… Tout cela pesait mentalement.
Aujourd’hui, avec un système basé sur le pâturage et l’autonomie alimentaire, je travaille différemment. Le séchage en grange m’a libéré d’un stress énorme : je récolte mon foin quand les conditions sont bonnes, sans dépendre d’une météo imprévisible.
Je ne travaille plus la nuit, je suis plus serein et je prends même plus de temps pour ma famille. La charge mentale a vraiment diminué, et c’est aussi ce que je veux montrer à d’autres agriculteurs : on peut travailler autrement et mieux vivre de son métier. »
L’agroécologie, un modèle d’avenir pour l’agriculture française
L’agroécologie peut-elle transformer le modèle agricole français ?
« Pour moi, il n’y a pas de doute : c’est l’avenir. Ce que nous faisons aujourd’hui sur notre ferme, c’est ce que préconisent de nombreux experts pour 2050. Nous avons juste anticipé les défis de demain.
L’agroécologie, ce n’est pas un retour en arrière, c’est une évolution nécessaire. Elle permet de concilier production et respect des écosystèmes, elle réduit la dépendance aux intrants chimiques et elle favorise des exploitations plus autonomes et résilientes face aux crises climatiques.
Mais pour que ce modèle se développe, il faut un vrai soutien. Aujourd’hui, les agriculteurs qui font la transition ne sont pas assez aidés, et le bio, par exemple, est trop peu valorisé économiquement. Il faut que les politiques agricoles encouragent vraiment ce changement, à travers des incitations financières et une meilleure rémunération des produits issus de l’agroécologie.
Si on met en avant les réussites, si on accompagne les agriculteurs, alors oui, je suis persuadé que l’agroécologie sera le modèle dominant de demain. Et je suis fier d’y contribuer. »
Jean-Noël Landemaine incarne cette agriculture en pleine transition, passionnée, portée par des valeurs fortes. « Le bonheur c’est de vivre intensément sa vie en phase avec ces convictions. On est juste de passage sur cette Terre et je ne me voyais pas travailler sans rien laisser. Aujourd’hui je suis heureux de ce que nous avons fait pour la planète et les générations futures, maintenant à nous de communiquer là-dessus.”
Présent au Salon de l’Agriculture 2025, Jean-Noël Landemaine participe au concours Prim’Holstein le 24 février dans lequel deux de ses vaches ont été sélectionnées.