Samuel Berthonnaud : « L’agroécologie m’a aussi appris à travailler autrement »

À l’occasion du Salon International de l’Agriculture 2025, qui met cette année en avant « L’Agriculture, cette fierté française ! », nous donnons la parole à ceux qui façonnent l’agriculture de demain.  

Samuel Berthonnaud, viticulteur près de Cognac et ambassadeur de notre association, s’inscrit dans cette dynamique en adoptant un modèle plus respectueux des sols et du vivant. Héritier d’un savoir-faire familial, il a choisi d’aller plus loin en intégrant des pratiques agroécologiques qui allient convictions personnelles, enjeux économiques et préservation de l’environnement. Il nous partage aujourd’hui son parcours et la fierté qu’il en retire. 

Samuuel Berthonnaud, viticulteur engagé en agroécologie

Agroécologie et viticulture : un choix dicté par l’observation des sols

Qu'est-ce qui vous a poussé à adopter l’agroécologie ?

« Je suis issu d’une famille de viticulteurs depuis plusieurs générations. Quand j’ai repris l’exploitation en 2019, elle était déjà en bio depuis les années 2000, mon père ayant été l’un des précurseurs dans la région de Cognac. 

Mais être en bio ne suffisait pas. Je voyais que nos sols ne répondaient pas comme ils le devraient, que nos vignes montraient des signes de faiblesse. C’est en cherchant des solutions que j’ai découvert l’agroécologie. 

J’ai commencé par des formations sur la physiologie de la vigne, l’hydrologie régénératrice, j’ai aussi découvert le test bêche… J’ai compris que nous ne faisions pas toujours les bonnes choses. C’est d’ailleurs pendant ces recherches que j’ai découvert l’Indice de Régénération et l’association Pour une agriculture du vivant !  

Ensuite, on a commencé par des engrais verts sur tous les rangs, puis à replanter des haies, intégrer des arbres directement dans les parcelles, à créer des bocages entiers. Aujourd’hui, tout s’imbrique et fonctionne ensemble. C’est devenu une évidence. 

Je suis fier de ce que je fais, il y a un vrai plaisir visuel sur nos parcelles avec des arbres, des insectes, des animaux qu’on prend le temps de photographier. Je travaille différemment, je laisse plus de place à l’observation, j’observe chaque détail. Mon métier est tout le temps intéressant.    

Une de mes plus grandes fiertés, c’est lorsque j’ai collaboré avec l’association Des enfants et des arbres. Passer une journée avec des enfants de mon village à planter des arbres dans les vignes a été une super expérience. Ce qui me touche le plus, c’est de voir que ces enfants s’en souviennent et prennent conscience de l’importance de préserver la nature. » 

Repenser l’image de la vigne française : le rôle clé de l’agroécologie

Vos pratiques participent-elles à valoriser l’image de l’agriculture française ?

« Oui, j’en suis convaincu, mais c’est encore un défi. L’agriculture est souvent mal comprise par le grand public. Cela demande du temps et un vrai changement de mentalité, mais on voit déjà les bénéfices, ne serait-ce dans le paysage. Il faut juste réussir à changer le regard des consommateurs sur ce qu’est une vigne saine : elle n’est pas forcément propre et nue comme dans les cartes postales, elle est vivante ! On est encore trop habitué aux jardins à la française, tout propre et bien taillé. 

Mais avec l’agroécologie, on prouve qu’on peut travailler différemment. Nos pratiques respectent davantage l’environnement, l’eau, les sols et la biodiversité. Les couverts végétaux sont roulés et non enfoui, on limite le travail du sol pour préserver sa structure et on réduit nos intrants. » 

Vignes agroécologiques biodiversité
Vignes agroécologique biodiversité grenouille

Travailler différemment en viticulture grâce à l’agroécologie

Vos pratiques influencent-elles votre équilibre entre travail et bien-être ?

« C’est indéniable. Par exemple, l’année dernière, on a eu une pression énorme du mildiou dans la région. Mes collègues se sont retrouvés dans des situations compliqués et certains ont explosé leurs quotas de cuivre. 

Moi, avec mon approche agroécologique, mes vignes n’ont jamais décroché. J’ai utilisé moins de traitements (3,4kg/cu/ha) tout en gardant une qualité de vendanges et de feuillage très satisfaisante. Je ne peux pas prouver que c’est uniquement grâce à mes pratiques, mais quand je compare avec d’autres, je me dis que c’est une différence majeure. 

L’agroécologie m’a aussi appris à travailler autrement. Avant, tout était basé sur l’intervention rapide et intensive, avec du matériel lourd et onéreux. Maintenant, j’observe plus, j’anticipe mieux et j’interviens de manière plus raisonnée. Résultat : moins de stress, moins de travail en urgence et surtout, une fierté de voir mon exploitation évoluer positivement. » 

Selon vous, l’agroécologie peut-elle jouer un rôle clé dans l’évolution du modèle agricole français ?

« C’est la seule voie possible si on veut rendre notre agriculture plus résiliente. Aujourd’hui, on voit bien que le modèle intensif atteint ses limites : épuisement des sols, dépendance aux intrants, crise climatique… 

Dans la filière cognac, la prise de conscience est lente chez les viticulteurs. Seulement 1 % des surfaces sont en bio, et la monoculture du même cépage “ugni blanc” domine. Pourtant, l’ensemble du négoce et les institutions encouragent fortement les filières à s’engager dans des démarches vertueuses, car l’image du Cognac passe aussi par une production plus respectueuse de l’environnement. 

L’avenir, c’est une viticulture plus diversifiée, plus résiliente et mieux intégrée à son environnement. On parle de haies, de couverts végétaux, de sols plus riches en matière organique, de vers de terre… Tout ça, c’est l’agroécologie, et je suis convaincu que ceux qui s’y engagent aujourd’hui seront les mieux préparés aux défis de demain. » 

L’agroécologie apparaît comme une réponse aux défis actuels de la viticulture, alliant respect des sols, résilience et bien-être du vigneron. À travers son engagement, Samuel Berthonnaud illustre une évolution nécessaire vers des pratiques plus durables. Si la transition demande des efforts et un changement de perception, elle ouvre la voie à une agriculture plus équilibrée et mieux intégrée à son environnement. Cette démarche, encore minoritaire, pourrait bien façonner l’avenir de la viticulture française.

Vignes agroécologiques coccinelles sur feuilles

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