La recherche du Vivant

Le vivant, par définition, est en constante évolution, en mouvement permanent. La recherche autour des questions du vivant est donc essentielle pour accompagner la transformation du modèle agricole et adapter les pratiques. Léa Lugassy, Responsable de la recherche et du développement, fait le point pour nous.

Léa Lugassy

Docteure en agroécologie

Responsable de la recherche et du développement

03/03/2023

La recherche du vivant, de quoi parle-t-on ?

Avant tout, je pense qu’il est important de préciser que pour produire avec le vivant, il faut d’abord le comprendre. Il est donc essentiel de s’interroger : Qu’est-ce qui fait la santé d’un sol ? Qu’est ce qui fait qu’une plante va attirer un ravageur ou au contraire ne pas l’intéresser ? Comment les racines des plantes cultivées interagissent avec la vie du sol ? Quelles bénéfices en retirent les plantes cultivées ? Sur tous ces sujets, d’intérêt majeur pour les agriculteurs, nous commençons à avoir des éléments de réponse, mais il reste encore beaucoup à découvrir et, surtout, à mieux comprendre.

Certaines disciplines ont fait des découvertes majeures ces dernières années, notamment la microbiologie et la biologie des sols. Mais de manière encore plus frappante, c’est l’articulation des différentes disciplines entre elles qui génère une foule de questions, et de connaissances à affiner. Comment dans un écosystème hautement complexe comme une ferme en agroécologie, les pratiques agricoles provoquent des effets en cascade sur tous les compartiments : le sol, la plante, les auxiliaires, les ravageurs, etc., et comment tous ces éléments sont liés entre eux ? Comprendre cette complexité, et en tirer les savoirs déterminants qui vont permettre aux agriculteurs d’éclairer leur situation bien particulière, c’est une mission que je trouve passionnante !

Quels sont vos sujets d’étude actuellement ?

Le réel enjeu aujourd’hui, c’est de produire des connaissances en prise réelle avec les questionnements et les problématiques des agriculteurs, pour la transition de leurs fermes. Cela nécessite deux changements majeurs, qui bouleversent la façon « traditionnelle » d’envisager la recherche : associer étroitement les agriculteurs dans la définition même des questions de recherche, et mener ces recherches sur des fermes, ou à partir de données collectées sur des fermes. 

En effet, il n’y a qu’en étudiant le vivant là où il est le plus complexe, que l’on pourra retirer de ces études des enseignements utiles sur le terrain. Or, ce type de recherche est peu financé, et encore trop souvent perçu comme de la recherche de second rang, produisant des résultats peu fiables car obtenus en situations non contrôlées. 

Notre message, aujourd’hui, est que les fermes pionnières en agroécologie sont des terrains de recherche uniques pour les disciplines liées à l’agroécologie, et que c’est au cœur de ces fermes que résident les connaissances dont nous avons besoin pour réussir la transition à grande échelle. Il faut donc absolument reconnecter ces fermes et les agriculteurs qui y travaillent avec les chercheurs. C’est ce que nous souhaitons faire, à travers deux projets que nous portons : l’organisation en partenariat avec l’association Grignon 2000 des « Défis Science-terrain » pour faire dialoguer agriculteurs, chercheurs et institutions de recherche autour de la production de connaissances en agroécologie, ainsi que le montage d’une Bourse de Recherche à la Ferme dont la vocation sera de financer des projets de recherche menés sur des fermes, en partenariat étroit entre agriculteurs et chercheurs.

Quelles sont les traductions concrètes de vos recherches ?

Au sein de Pour une Agriculture du Vivant, notre mission première est de produire des outils agronomiques opérationnels et utilisables pour accompagner les agriculteurs dans leur transition et valoriser leur progression, avec notamment les Indices de Régénération (IR) qui existent aujourd’hui pour toutes les productions végétales. La manière dont nous construisons les nouveaux IR et dont nous assurons l’amélioration continue des IR existants est l’exemple parfait de ce partenariat étroit entre science et terrain : une vision très claire des grands axes et des indicateurs de l’outil posée par le Conseil Scientifique, et un pragmatisme terrain ainsi que des seuils éprouvés en permanence grâce aux retours des agriculteurs et techniciens qui l’utilisent. Ainsi, une V2 des Indices de Régénération Arboriculture et Viticulture sera lancée en mars 2023, et nous nous attelerons dans la foulée à la digitalisation de l’IR Elevage bovin, qui sera lui disponible en septembre 2023.

Quelles sont les perspectives de la recherche ?

Toutes les recherches que nous menons actuellement visent à enrichir l’Indice de Régénération afin de renforcer sa position d’outil central pour la transition agricole. Nous travaillons notamment à accoler à l’IR une boussole économique, qui permettra de simuler des changements de pratiques dans l’IR et d’en calculer le coût (ou les éventuelles économies) de mise en œuvre. Tout cela nécessite un travail de collecte de données assez considérable, que nous menons avec certains de nos adhérents les plus engagés. En parallèle, nous travaillons également sur des boussoles carbone et biodiversité afin de pouvoir ajouter au résultat de l’Indice de Régénération des indications sur les impacts Carbone et Biodiversité des pratiques mises en œuvre, et ainsi faciliter la connexion avec les dispositifs de crédits, certificats et autres paiements pour services environnementaux existants ou en préparation.

Sujet systémique s’il en est, la recherche du vivant est un levier essentiel pour mieux appréhender tout ce qui fait le vivant et ses interactions. Et c’est bien dans les fermes, avec les chercheurs et les agriculteurs, qu’elle doit être menée pour créer les outils nécessaires et ainsi accélérer et déployer massivement la transition agricole et alimentaire.

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