Lancé en 2024, le projet BRF a pour ambition de mettre en avant et de valoriser les innovations ainsi que les initiatives des agriculteurs pionniers en agroécologie. Soutenu par la Mirova Foundation, fonds de dotation de Mirova, ce projet s’inscrit dans un dispositif d’accompagnement personnalisé qui combine soutien financier, développement des compétences et stratégie de communication.
Chaque mois, découvrez le portrait d’un agriculteur engagé dans l’agroécologie, partageant son parcours vers une agriculture qui régénère les sols et les avantages concrets qu’il en retire au quotidien.
Stéphane Olivier : “J’ai choisi une approche économiquement et agronomiquement viable, misant sur l’agriculture de conservation pour restaurer ces sols dégradés”
Structurer et optimiser la ferme familiale
L’histoire de la ferme commence avec mon père, installé en bio depuis près de 40 ans, bien avant que cette pratique ne devienne courante. Son choix était avant tout économique : avec des terres éloignées et peu productives, il a misé sur le stockage à la ferme et l’irrigation pour mieux valoriser ses cultures et sécuriser son exploitation. Grâce à cette approche, il a réussi à faire prospérer la ferme jusqu’à 200 hectares.
Il y a 20 ans, j’ai rejoint l’exploitation avec un objectif clair : structurer et optimiser l’organisation. J’ai travaillé sur l’amélioration des infrastructures, du stockage, de l’irrigation et de la mécanique pour gagner en efficacité. C’était une période où le bio se vendait très bien, avec des prix élevés qui permettaient de supporter les coûts de production. Pendant 11 à 12 ans, mon rôle a été d’apporter plus de rigueur et de méthode à la gestion de la ferme, notamment en mettant en place un atelier organisé et en optimisant le matériel.
Un tournant stratégique vers l’agriculture de conservation
Dès mon arrivée, nous avons expérimenté différentes techniques culturales. Il y a 18 ans, nous avons acheté notre premier semoir de semis direct, à une époque où cette pratique était encore marginale. Nous faisions du semis direct de blé dans des couverts de maïs, avec de bons résultats.
Cependant, l’évolution des normes et l’apparition des problèmes de mycotoxines nous ont obligés à revoir nos pratiques et à réintroduire ponctuellement le labour. Conscients des limites du système, nous avons décidé d’adopter une approche plus globale, combinant semis direct et enrichissement du sol par des apports organiques massifs.
Depuis 15 ans, nous récupérons près de 800 tonnes de déchets verts broyés par an, issus des collectivités locales proches de chez nous, que nous intégrons aux sols pour favoriser biodiversité et structure du sol. Chaque hiver, nous semons systématiquement des couverts végétaux pour maximiser la fertilité et limiter l’érosion.
Un choix pragmatique, des résultats durables
Quand je me suis installé sur ces terres, elles étaient délaissées depuis plus de 15 ans, envahies de chiendent, folle avoine, ambroisie, et sans aucun apport organique. Passer en bio dans ces conditions aurait été une impasse. J’ai choisi l’agriculture de conservation, une approche à la fois réaliste, progressive et régénératrice.
Dès la deuxième année, j’ai arrêté tout travail du sol en plein. Sur mes terres abrasives, un simple passage de déchaumeur coûtait entre 50 et 80 €/ha en carburant et pièces. Huit ans plus tard, le semis direct est généralisé.
Le taux de matière organique est passé de 1,8 % à 2,8 %. L’eau s’infiltre mieux, les champs sont propres et très résilients face aux épisodes de pluie intense. Le système repose sur une rotation élargie, l’introduction régulière de couverts végétaux, et une attention particulière à l’équilibre du sol : chaulage raisonné, suivi du taux de saturation de la CEC.
Les interventions mécaniques sont limitées : avec deux tracteurs de 150 ch, on peut suivre 300 ha de cultures. Ce mode de conduite permet de réduire fortement les charges, tout en construisant des sols vivants, fertiles et durables.
Pour partager cette expérience et accompagner ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie, j’ai créé la chaîne YouTube Olivier Stéphane. J’y documente les pratiques, les résultats, les erreurs, et j’y partage des conseils concrets. À travers ACSolution, je propose aussi un accompagnement personnalisé pour faciliter la transition vers un système de culture plus autonome, économe et résilient.”