L’agroécologie sur les fermes

L’agroécologie, inscrite dans le code rural depuis 2014, fixe le cap de la trajectoire nationale pour la transition agricole et alimentaire. Alors de quoi parle-t-on avec l’agroécologie ? Quelles en sont les opportunités et surtout comment accompagner les agriculteurs ? Nous faisons le point avec Cyrielle Givry, Chargée de l’animation du réseau des agriculteurs chez Pour une Agriculture du Vivant.

Cyrielle Givry

Ingénieure agronome

Chargée de l’animation du réseau des agriculteurs

27/02/2023

L’agroécologie en France, où en est-on ?

Avant toute chose, il est important de comprendre que l’agroécologie est une façon de concevoir les systèmes de production en s’appuyant sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Alors, une fois que l’on a dit ça, concrètement, cela signifie que les pratiques agroécologiques s’appuient sur les organismes vivants des écosystèmes en mobilisant leurs interactions à des fins de production agricole. Son objectif est de promouvoir des systèmes alimentaires viables respectueux des Hommes, de leur environnement et de valoriser les potentialités écologiques, économiques et sociales d’un territoire. D’un point de vue technique, l’agroécologie se base sur trois grands principes – la réduction voire la suppression du travail du sol, la couverture végétale permanente du sol, la diversité des espèces et l’agroforesterie – déclinables pour s’adapter au contexte et aux objectifs spécifiques de chaque ferme.  

Bien qu’il soit encore complexe d’estimer avec exactitude le nombre de fermes agroécologiques en France, l’enquête BASF Agro menée auprès de 2200 agriculteurs, montre que 59% d’entre eux seraient déjà engagés concrètement dans l’agroécologie et 16% en ont l’intention à court terme. Cette démarche rencontre donc un véritable succès sur le terrain mais doit s’accélérer et être sécurisée pour permettre à tous les agriculteurs de s’y engager sur le long terme.

Quelles sont les opportunités de l’agroécologie et donc du vivant ?

En premier lieu, les pratiques agroécologiques assurent la viabilité des exploitations. Son approche systémique se traduit concrètement dans les champs par l’amélioration de la santé des sols, la préservation des ressources ou encore la production de biodiversité  Ces pratiques font ainsi des sols les meilleurs alliés des agriculteurs pour certes produire en quantité nécessaire mais aussi produire mieux. En préservant de la sorte les capacités de production futures, l’agroécologie contribue pleinement à la viabilité des systèmes de production et donc à l’autonomie des fermes. 

La seconde et non des moindres est relative au climat. Nous le savons l’agriculture représente près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. En déployant les pratiques agroécologiques sur les fermes, la tendance s’inverserait. En effet, la réduction du travail du sol associée à la couverture permanente des sols à un double avantage : d’une part, les sols deviendraient des lieux de stockage du carbone et, d’autre part, ce carbone produirait de la biodiversité et contribuerait à la fertilité des sols. C’est ainsi qu’en nourrissant les sols, nous continuerons à nourrir les Hommes. Enfin, comme le souligne Francis Bucaille, le microbiote du sol détermine la santé des plantes et, par conséquent, leur richesse en nutriments et leur capacité à résister aux aléas et aux ravageurs de culture. Des études, telle que la thèse One Health, sont en cours pour démontrer le lien entre l’application de pratiques agroécologiques et l’amélioration de la qualité nutritionnelle des aliments.

Comment accompagner les agriculteurs dans cette transition agroécologique ?

S’inscrire dans une démarche de transition nécessite un accompagnement à la fois technique mais également humain. Et c’est bien en dotant les agriculteurs d’outils adaptés et en remettant la connaissance agronomique au cœur des pratiques agricoles que nous relèverons collectivement ce défi de la transition. 

Si nous parlons ici de démarche, ce n’est pas par hasard. Le contexte de chaque ferme est différent au regard des productions, des rotations, des conditions pédoclimatiques, ou encore de sa situation géographique. Les sols de la région Hauts de France ainsi que leurs cultures de pommes de terre n’appellent pas les mêmes techniques que les productions viticoles de la Nouvelle Aquitaine par exemple. Il est donc nécessaire de  permettre aux agriculteurs de s’inscrire dans une démarche de progrès en adaptant les pratiques agroécologiques pour répondre à ces particularités. 

Alors comment faire ? Pour une Agriculture du Vivant a développé l’Indice de Régénération qui mesure la performance agroécologique des fermes et des filières. Développé autour de 3 niveaux agronomiques (le sol, la plante et l’animal, le paysage), il a été co-construit avec des agronomes de terrain, des agriculteurs, des techniciens des coopératives et négoces partenaires, et les chercheurs du Conseil Scientifique. Véritable boussole agroécologique et conçu comme une démarche de progrès, il permet à tous les acteurs de bénéficier d’un référentiel commun pour engager la transition des pratiques agricoles, les faire progresser et les valoriser. L’Indice de Régénération et les autres outils développés par le mouvement sont disponibles en accès libre sur agroecologie.org.

Nous l’avons évoqué plus haut, l’accompagnement humain est également l’une des pierres angulaires de cette transition. C’est pourquoi nous accompagnons les Techniciens du Vivant dans le cadre d’un programme inédit. Tantôt fournisseur, conseiller ou médiateur, le rôle du technicien ne cesse d’évoluer et de s’adapter pour répondre au mieux aux demandes des agriculteurs. Avec ce programme, ils forment ainsi un un réseau d’échange unique et moteur dans la transmission des savoirs et la valorisation des avancées réalisées sur le terrain. Leur proximité quotidienne avec les agriculteurs font d’eux un maillon essentiel de la transition agroécologique. 

Par ailleurs, le financement de la transition est indispensable pour sécuriser la viabilité économique des fermes engagées dans une démarche agroécologique et inciter les autres à y entrer. Pour une Agriculture du Vivant développe, avec ses adhérents et partenaires, des programmes d’innovation qui visent justement à transformer les filières de l’amont à l’aval sur la base d’une approche collective responsabilisant chaque acteur et valorisant la progression des agriculteurs au travers de contrats sécurisants grâce à l’Indice de Régénération. 

Enfin, accélérer le partage d’expériences pour faciliter l’accès aux connaissances et aux savoirs-faire terrain est un axe clé pour lever les freins techniques. C’est dans cette optique qu’à été créé REX Agri, un outil de partage d’expérience entre agriculteurs qui vise à capitaliser et diffuser à grande échelle les innovations techniques testées et mises en place par des agriculteurs partout en France et sur une diversité de productions. Grâce à l’identification simplifiée de ces informations, les agriculteurs peuvent facilement s’inspirer d’autres techniques pour les répliquer chez eux et, dans le cas des techniciens, nourrir leur conseil terrain pour accompagner au mieux les agriculteurs dans leur démarche de transition agroécologique.

Un exemple avec Hervé Fournier, agriculteur en grandes cultures et cultures d’industrie dans la Somme.

Hervé a initié sa transition vers des pratiques agroécologiques il y a plus de 10 ans, en commençant par l’intégration de couverts végétaux diversifiés entre chaque culture puis en réduisant progressivement le travail du sol et l’usage de produits phytosanitaires. 

Ces évolutions ont nécessité une forte capacité d’adaptation, d’observation et d’apprentissage, de même que des investissements qui, comme il le souligne, sont largement compensés par les bénéfices issus de ces pratiques.

Aujourd’hui, il poursuit sa démarche en optimisant les techniques en place et en testant chaque année de nouvelles techniques. 

Retrouvez ici tous les REX Agri

Pour soutenir le déploiement de l’agroécologie sur les fermes, signez notre Manifeste : https://agricultureduvivant.org/manifeste/

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