Chaque mois, découvrez le portrait d’un agriculteur engagé en agroécologie, qui partage son parcours vers l’agriculture régénérative des sols et les bénéfices concrets qu’il en retire au quotidien.
Hervé Charpentier : “Mon sol est résilient, ce qui me permet d’éviter de prendre des grosses gamelles”
Un héritage et une transition en douceur
J’ai repris la gestion de la ferme familiale en 2022, dans l’Indre, après le décès de mon père, qui avait lui-même repris l’exploitation en 1989. Pendant une dizaine d’année, il a cultivé en agriculture conventionnelle, avant de se tourner progressivement vers des pratiques plus durables. Son intérêt pour l’agriculture de conservation est né de ses observations et expériences à l’étranger, où il a constaté que le semis direct sur couverture végétale permettait de préserver les sols tout en maintenant une production viable, même face aux contraintes climatiques et aux restrictions en intrants. Après plusieurs années d’expérimentation, il a pris la décision, en 2000, de convertir l’intégralité de l’exploitation à cette technique. Ce choix audacieux, bien que controversé à l’époque, s’est avéré être une réussite. Aujourd’hui, je m’efforce de perpétuer cet héritage en restant fidèle aux pratiques mises en place tout en apportant des ajustements nécessaires à l’évolution du climat et des contraintes économiques.
Luzerne et couverts végétaux : un système résilient
Le premier constat que mon père avait fait à l’époque, c’est que les couverts classiques peinaient à se développer en été. Face à ce problème, il a misé sur des couverts permanents, notamment la luzerne, qui structure le sol, favorise la vie microbienne et améliore la fertilité grâce à sa capacité à fixer l’azote atmosphérique. Aujourd’hui, la ferme est quasiment intégralement couverte de luzerne, avec parfois de l’avoine ou de la féverole pour préparer les cultures de printemps. L’objectif est d’avoir des sols toujours couverts, limitant ainsi l’érosion et optimisant le stockage de l’eau. Cette gestion dynamique des couverts végétaux nous permet de réduire considérablement l’usage d’engrais et de produits phytosanitaires, tout en favorisant un sol plus riche et plus vivant.
Un système agroécologique plus stable et résilient
Après plus de 20 ans d’agriculture de conservation, les résultats sont visibles : les rendements sont globalement équivalents à ceux du conventionnel, mais avec des charges bien moindres et une meilleure stabilité face aux aléas climatiques. Les sols ont gagné en fertilité, ce qui permet d’éviter de prendre des variations extrêmes de rendement et de sécuriser la production sur le long terme. Grâce à la résilience de mon sol, je limite les grosses gamelles, j’arrive à rester économiquement viable, même dans les années difficiles. Ma conviction ? L’agroécologie est une solution d’avenir, non seulement pour la préservation des sols, mais aussi pour assurer la pérennité des exploitations face aux défis climatiques et économiques.