Les pratiques du Vivant

L’agroécologie cherche à recréer du lien entre ce qui relève de l’agricole, et donc de l’action de l’Homme, avec ce qui relève de l’écologie, de la nature. L’Homme fait partie de l’écosystème et, à ce titre, il doit y trouver sa place en interaction avec son environnement, ni à côté, ni en avant… L’agroécologie est une agriculture qui permet de produire durablement aujourd’hui, sans compromettre la capacité à produire des générations futures. C’est une agriculture du vivant, intégrée dans son paysage qui, lui aussi, est vivant.

De nombreux agriculteurs pionniers, déterminés et motivés par une vision optimiste et innovante pour l’agriculture, ont engagé leurs fermes dans une trajectoire de progrès agroécologique. Ils sont ainsi les premiers à avoir construit les principes élémentaires de l’agroécologie qui permettent de retrouver fertilité, qualité de l’eau, biodiversité, résilience climatique et de maintenir la productivité en agriculture.

On fait le tour de la question avec Alexandre Boidron, Coordinateur technique productions végétales chez Pour une Agriculture du Vivant.

Alexandre Boidron

Ingénieur agronome

Coordinateur technique productions végétales

28/02/2023

Alexandre, quels sont les principes élémentaires que l’on vient d’évoquer ?

L’agroécologie c’est très simple : il suffit de comprendre que les plantes sont les seuls êtres vivants et la seule technologie capables de capter l’énergie solaire et de la transformer en quelque chose que les autres êtres vivants (nous inclus) peuvent manger ou utiliser pour se protéger, se chauffer, etc.

Les plantes sont le premier maillon de la fertilité et de la biodiversité sur Terre. Sans les plantes il n’y aurait pas de sol, pas d’animaux quels qu’ils soient, et donc nous ne serions pas là non plus pour en parler. 

Hors nous, humains, avons pris l’habitude de faire le vide et d’empêcher les plantes de faire leur travail, en agriculture ou ailleurs : on ne laisse pousser que quelques rares espèces, une partie de l’année seulement, et quasiment tout ce qu’elles produisent on le garde pour nous. 

Résultat : les sols s’appauvrissent et s’érodent, la biodiversité disparaît, le climat s’assèche, l’eau est polluée, les “mauvaises herbes”, les maladies et les ravageurs prospèrent…

Contrairement à ce que l’on croit, notre agriculture produit très peu. Elle ne produit même pas assez, pas assez de biomasse de plantes au global pour nous nourrir à la fois nous et tous les êtres vivants qui rendent les écosystèmes fertiles et la Terre habitable.

Faire de l’agroécologie c’est donc inverser cette tendance : c’est faire pousser un maximum de plantes, partout, tout le temps, en laisser une grosse partie à la biodiversité et prélever ce dont on a besoin.

Pour cela plusieurs techniques sont développées et combinées par les agriculteurs.

Il y a ce qu’on appelle les couverts végétaux : il s’agit de plantes que l’on fait pousser durant les périodes “de vide” entre deux cultures, ou entre les rang de vignes ou d’arbres par exemple, mais qui au lieu d’être récoltées sont totalement restituées au sol. C’est-à-dire qu’elles restent sur place et en surface pour protéger et nourrir la vie du sol avec leurs résidus.

Afin d’avoir des plantes qui poussent le plus longtemps possible mais aussi pour préserver la structure du sol créée par les racines et la microbiologie qui y vit, les agriculteurs cherchent aussi à réduire le travail du sol, à moins voire pas du tout labourer. Pour cela, ils utilisent des outils spécifiques capables de semer des graines dans un sol pas labouré et sur lequel sont déjà présentes des plantes vivantes.

Tout cela contribue donc à développer une biodiversité au sein même des parcelles et des cultures, en plus de celle qui vit dans des éléments permanents du paysage comme les arbres et les haies : l’agriculture fait alors pleinement partie de l’environnement !

Quels sont les enjeux pour les mettre en place ?

On l’aura compris, faire de l’agroécologie c’est changer de logiciel : alors qu’on se focalisait uniquement sur ce qu’on allait récolter pour nous, on se rend compte que l’on doit aussi produire et laisser à manger aux êtres vivants qui nous rendent service. 

Une des difficultés est que l’on part d’écosystèmes agricoles dégradés,  dont on connaît mal le fonctionnement, mais que l’on doit reconstruire tout en maintenant une production agricole qui nous permette de vivre. Pour les agriculteurs c’est un nouveau métier, des nouveaux questionnements, des investissements conséquents, beaucoup d’essais et d’erreurs avant d’aboutir à une technique qui fonctionne, des adaptations en fonction des conditions de chaque année, et surtout des compromis difficiles à faire entre production vendue et production restituée pour la biodiversité… Le tout avec des attentes de la société en termes de types, qualités et prix des produits qui restent les mêmes et qui ne sont pas toujours compatibles avec une transition agroécologique sur le terrain.

Par exemple, des pommes de terre produites avec moins de travail du sol et des couverts végétaux, ce sont des pommes de terre plus petites, moins lisses, moins rondes, plus difficiles à laver et à découper en usine, donc des coûts de production supérieurs pour tout le monde.

Autre exemple : si un agriculteur souhaite cultiver du seigle à la place du blé parce que c’est une céréale qui serait mieux adaptée pour du semis sans travail du sol après un couvert, il faut aussi qu’il puisse la vendre, hors il est fort probable qu’il n’existe pas de débouchés valorisant pour cette production dans son secteur.

Au-delà de l’enjeu technique pour l’agriculteur il y a donc un enjeu de valorisation des productions, qui implique une adaptation de l’ensemble des acteurs des filières : de celui qui collecte la céréale à celui qui mange le pain.

Le travail de Pour une Agriculture du Vivant consiste justement à accompagner chaque maillon de la chaîne, pour que chacun comprenne ce qu’est l’agroécologie, quel impact ont leurs décisions sur les évolutions techniques qu’un agriculteur pourra ou non mettre en oeuvre, et donc en quoi il peut agir en faveur de la transition agroécologique. Pour cela nous développons un ensemble d’outils, de méthodes et de formations.

Pourquoi associe-t-on agroécologie et souveraineté alimentaire ?

L’alimentation n’a jamais autant été au cœur de nos préoccupations, l’actualité nous le rappelle quotidiennement. En cinquante ans, les modes de production agricole et les modes alimentaires ont connu sensiblement les mêmes évolutions, éloignant producteurs et consommateurs et favorisant notamment la surconsommation de produits transformés induite par l’essor de l’industrie agro-alimentaire. Mais nous le constatons, le consommateur (re)devient responsable et ses choix induisent donc une nouvelle consommation marquée par des convictions éthiques (protection de l’environnement et du bien-être animal) et par un besoin de protection vis-à-vis des risques sanitaires.

Or, il ne peut y avoir d’aliments sains sans une agriculture durable et sans un sol en bonne santé. C’est ici que l’agroécologie prend toute sa place. L’agroécologie permet de réorienter les systèmes agricoles vers des pratiques hautement productives, hautement durables (conservation des ressources naturelles), qui contribuent ainsi à la réalisation progressive du droit fondamental à une alimentation suffisante et de qualité. 

Les pratiques du vivant sont donc essentielles pour le climat, pour l’alimentation ainsi que pour l’avenir de l’agriculture et du métier d’agriculteur. C’est tout le sens du projet porté par Pour une Agriculture du Vivant afin d’accélérer la transition.

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