Célébrée le 21 octobre, la Journée Mondiale des vers de terre met en lumière un acteur incontournable de la transition agroécologique. Méconnu, repoussant, les vers de terre ont longtemps été sous-estimés. Pourtant, ces petits invertébrés jouent un rôle central pour la santé et la régénération des sols. Leur impact sur la structure du sol, l’infiltration de l’eau et la prolifération de la biodiversité est essentiel dans un contexte où l’agriculture cherche à s’adapter face aux défis du dérèglement climatique.
Les vers de terre, les ingénieurs du sol
Les vers de terre sont de véritables architectes naturels. Grâce à leurs petits corps allongés, segmentés et flexibles, entourés d’une fine couche de mucus qui facilite le glissement dans la terre, ils peuvent creuser jusqu’à 900 mètres de galerie par mètre cube de sol ! Pour cela, le ver de terre ingère des petites quantités de sol puis les rejette, enrichissant ainsi le sol en nutriments. Toujours à la recherche de nourriture ou d’humidité, leurs galeries jouent un rôle essentiel dans la santé des sols et dans la prolifération de la biodiversité.
Gaël est agriculteur et viticulteur dans la Marne. Depuis 10 ans, il met en pratique l’agriculture de conservation dans son exploitation. Avec le temps, il a compris que préserver la vie dans ses sols lui procure de nombreux avantages. “Les vers de terre nous aident au quotidien. Ils permettent au sol d’être plus filtrant, d’avoir une meilleure portance et une bonne aération” explique l’agriculteur de 38 ans. “Quand il manque des vers de terre, il n’y a plus de galeries, plus d’aération naturelle. Et c’est à ce moment-là qu’on est obligé de faire du labour. Le problème, c’est que la porosité mécanique n’est pas durable, ni qualitative, contrairement à celle des vers de terre qui laisse passer l’air plus facilement. ”
L’infiltration de l’eau est également un enjeu majeur, surtout face aux événements climatiques extrêmes, comme les périodes de sécheresse ou les pluies torrentielles. Les tunnels que creusent les vers de terre créent des chemins naturels qui permettent à l’eau de s’écouler sans stagner dans les champs.
Vers de terre et agroécologie… un couple gagnant
Depuis longtemps et convaincu des bienfaits qu’apporte la prolifération de la biodiversité dans ses champs, Gaël a mis en place un certain nombre de pratiques agroécologiques : “Je fais du semi-direct et j’assure la couverture permanente des sols, j’essaie de ne pas trop tasser, compacter la terre et j’essaye de réduire ma consommation de produits phytosanitaires en utilisant des extraits fermentés”. Grâce à cela, il a réussi à maintenir une population de vers de terre importante dans ses sols “je peux retrouver 7 ou 8 vers de terre à chaque coup de bêche !”
Lorsqu’un champ a été soumis à des labours profonds et répétés, la structure du sol et la biodiversité souterraine sont souvent dégradées, car ils perturbent l’habitat naturel des vers de terre. Ainsi, lorsque l’on passe à des pratiques agricoles plus respectueuses des sols, il faut du temps pour que les vers réinvestissent la terre. “Pour les agriculteurs engagés dans la transition agroécologique, cela demande de la patience. Les vers de terre ne sont pas des nuisibles, ils ne se multiplient pas rapidement. Il faut 7-8 ans pour voir une vraie différence, mais ça dépend forcément de la manière dont on va travailler le sol” assure Gaël.
En effet, la régénération de leur population dépend de la restauration progressive de la matière organique, de l’arrêt des perturbations mécaniques et chimiques, ainsi que du rétablissement de la vie microbienne. “C’est un équilibre à trouver, il faut essayer de ne pas abîmer la vie souterraine, de maintenir le nombre de vers de terre, tout en sachant qu’il y a des impératifs économiques pour les agriculteurs.”
La transition vers une agriculture régénératrice nécessite du temps, des expérimentations et des ajustements permanents. Mais une fois les sols recolonisés par les vers de terre et, plus généralement, la biodiversité souterraine, les bénéfices sont perceptibles. “Les champs avec une forte présence des vers de terre fonctionnent très bien, ça facilite le développement de mes plantes, car mes racines vont mieux descendre. De plus, vu que je ne laboure plus, j’économise quelques litres de gasoil à l’hectare, je dépense moins d’énergie pour faire la même chose”.
Les vers de terre, travailleurs silencieux des sols, sont désormais considérés comme des alliés solides des agriculteurs. Leur nombre est scruté et suivi, et témoigne de la bonne santé d’un sol.